New Orleans c’est, sous un soleil écrasant, le ronron des ventilos rythmés de Jazz à la sauvette.
Premier vrai long voyage en solo, deuxième étape. J'avais organisé seule mon périple, passant des heures dans les guides de voyages et sur les avis de booking en ligne. Mon auberge sera une belle surprise : l'Indian House, sa piscine et ses petits plats ! Sur un des murs de ma chambre “Passport is my Bible”.
J'avais réservé en ligne quelques activités accessibles en bus, le reste sera à pieds en fonction de mes découvertes.
De plus, les auberges proposent souvent des activités avec des tour-operators du coin ou des bons plans guide.


Premiers pas sous le soleil. Pas de moustiques pour l'instant.
D'un quartier à l'autre, des visages et des maisons à perte de vue. Concours de celui qui aura la plus grosse... voiture.
De mon auberge il faut bien 20/30 minutes pour rejoindre le centre historique mais le tramway est aussi une bonne option.

Dans les
oreilles
Benh Zeitlin, Dan Romer, The Lost Bayou Ramblers – OST Beasts of the Southern Wild- The Bathtub

Croisé, un voyageur improbable dans les wagons grinçants du tramway : William-Franc, un gabonais-italien-français-américain ( ouais ! ) qui a voyagé dans toute l’Europe et qui n’en fini pas de parler.
Bref ... J’ai loupé mon arrêt.

10 ans après l’ouragan, la ville semble encore frémir. Pourtant les seuls témoins défroqués sont quelques buildings, lanternes et poteaux électriques figés dans leur chute. Les voitures rutilent. La tempête semble encore sur toutes les lèvres et les hôpitaux peinent à se remettre debout.
Heureusement, le soleil est de mise.
Accroche tes chaussures et pars découvrir :
- la Bourbon Street
- le French Quarter
- Garden District
- Jackson Square et son impressionnante Cathédrale Saint-Louis
- les musiciens itinérants de Frenchmen Street
- sur les quais, le marché français pour découvrir de nouvelles saveurs
- le plus ancien cimetière de la ville, le cimetière de Saint Louis #1 - entrée gratuite
- la cuisine créole !! il y en a pour tous les goûts :p
- le quartier de Faubourg Marigny pour ses petits restos cajun et ses clubs de Jazz
On m'avait mise en garde contre les quartiers dits "pauvres et à risque" notamment vers le cimetière. Il n'en était rien....
C’étaient surtout des quartiers non blancs et certes plus pauvre mais, même seule, je ne me suis jamais sentie en danger.




Rencontrés à l'auberge, cinq cyclistes de Chicago descendus à la Nouvelle Orléans en vélo : des cowboys des temps modernes.



Aujourd’hui direction les marais “Honey Island Swamp” loin de la ville et de sa pesanteur.
Après un trajet en bus, nous embarquons dans de petits bateaux à moteur par groupe de 8. En silence, nous écoutons les explications de notre navigateur.
Quelques mots et nous filons à toute vitesse sur la lagune : penser à bien s'accrocher à la rambarde !






Faits divers à bord ( du moins ce dont je me souviens ^^ ) :
Une maison du marais se dit "house camp" ou "house boat" en fonction de si les pilotis sont fixes ou sont posés sur un radeau.
Le nom Bayou vient du mot autochtone "bayuk", qui signifie rivière qui serpente. Contrairement aux marais, le bayou avance : il y a du courant.
Alors que nous approchons de leurs lieux de sieste, je découvre que les alligators aiment les marshmallows : ils les prennent pour des œufs de tortues, nombreuses ici. Sur chaque territoire on trouve un mâle pour plusieurs femelles ( il est le plus gros ).
Je comprends mieux les mythes liés à la Louisiane. Il y dans l’air une impression de secret, un murmure niché au creux des arbres, agrippé aux mousse filandreuses ( Cheveux d'ange, Fille de l'air, Mousse espagnole ou Barbe de vieillard ). L'eau bouge discrètement et la faune avec elle.
Si tu manges au restaurant sache que seafood équivaut ici à "pêché dans le marais". ^^
Au moins c'est plus que frais !



Nous quittons les alligators pour nous glisser sous le couvert des feuilles.
Tous recouverts de mousse filandreuse, les arbres sont les stars du Bayou ( le plus célèbre a d'ailleurs joué dans plusieurs méga production comme Pirates des Caraïbes ). Alors que l'on s'attendait à trouver là des oiseaux ou d'autres reptiles, surprise ! Nous tombons sur une famille de cochons noirs !!
Habitués des touristes, ils tentent de monter dans les bateaux pour quémander des friandises. Nope, nope, nope. Notre guide les éconduit, non sans leur envoyer quelques quignons.

Dans les
oreilles
Benh Zeitlin, Dan Romer – OST Beasts of the Southern Wild – The Survivors




Nous retournons cheveux au vent vers notre bus tandis que disparaissent peu à peu les troncs et les souches.
Au revoir dinosaures et cochons d’eau !
Direction les plantations de café et de cannes à sucre.
A la fenêtre du bus, raffineries de cannes, un des ponts les plus longs du monde et plus de ponts encore. La ville est un morceau de terre flottant, toutes les routes alentours sont des ponts. Retour sur la terre ferme mais un alligator prend le soleil au milieu de la voie rapide. Plus de deux mètres d’écailles à esquiver, les pneus ne sont pas fait pour ce genre d’adversaire. Nous le contournerons quitte à passer sur la voie d'à coté.
Nous quittons peu à peu les terres d'eau et sur la route nous pouvons observer les fameux cimetières hors-sol de la Nouvelle Orléans ( à cause de la terre spongieuse du marais il est impossible de creuser. Gare à celui qui meurt avant que le corps précédent soit décomposé. Car c’est chacun son tour dans le tombeau, il faudra donc attendre ailleurs ). Pour un français ce genre de caveau en hauteur est commun mais aux Etats-Unis c'est assez rare 🙂



Premier stop, Laura Plantation.
Infos pratiques : l'avant de la bâtisse reste porte ouverte face au fleuve pour capter l’air frais et rafraîchir la maison. Les fondations sont construites en pyramide de briques pour solidifier le sol meuble. Le domaine porte le nom de plantation créole à cause de son style architectural importé des Caraïbes, par ses propriétaires français.
Pour la petite histoire, la plantation était régie par des femmes. De génération en génération elles ont évincé les hommes de la famille Duparc ( des normands ! ) pour passer le titre de présidente de plantation à leur filles -qui par ailleurs se trouvaient être moins enclines à la boisson, la violence, la paresse et l’inaptitude ( c'est la guide qui le dit ! ). Puis le lieu fut exploité par une famille allemande.


Nous ferons le tour de la propriété, apprenant l'histoire de ses habitants. Rectification l'histoire des maîtres de maison. Étrangement la guide ne nous parlera jamais des esclaves. Nous n’aurons que leur prix. Bien que plus nombreux, leur histoire est tenue sous silence. Il n'en reste que quelques "cases", des maisons spartiates et nues.
Je m'arrêterai pour lire le célèbrement macabre "Code Noir", édit royal sous feuilles plastifiées. Ses lignes glacent le sang. On parle ici d'économie, de marchandages, de biens. Jamais d'humains. Nenette, la première matriarche de la maison avait acheté très peu de couples d’esclaves pour ensuite leurs faire créer des familles qui deviendront la main d’oeuvre active du domaine. La bibliothèque de New Orleans a gardé les registres, les photos et les documents relatifs aux habitants des exploitations. Ils pouvaient d’ailleurs racheter leur liberté en cumulant l’argent des récoltes effectuées. La charge de travail était tellement inhumaine que la simple menace ne suffisait pas, l’argent et l’espoir comblait le reste. Plus leur âge avançait plus leur prix de rachat diminuait, tant et si bien qu’ils pouvaient, au bout de plusieurs années, se racheter eux même. L'idyllique pâturage au bord du fleuve semble lointain.
Comme un dernier rappel, nous apprendrons que malgré la guerre de Sécession, les descendants des esclaves affranchis ont quitté les lieux en 1977.
...1977. Hier.

A lire sur
la route
-
Compair Lapin & Piti Bonhomme Godron - Alcee Fotier
-
Louisiana Folk-tales - Alcee Fotier
-
La Couleur pourpre - Alice Walker

Si tu as vu le film Django Unchained, visualise l’allée d’arbres tortueux : Oak Alley.
Ce domaine reste plein de mystères. Personne ne sait qui a planté les chênes Virginia qui forment l’allée et pendant douze ans la demeure est resté inhabitée, du moins par les humains. Tout le rez de chaussée était envahi par des vaches ^^.
Comme dans les autres plantations, la cuisine est une dépendance hors de la maison pour ne pas attirer feu, chaleur ou animaux dans les appartements. Les miroirs des chambres sont couverts d’un fin voile noir, pour ne pas prendre le risque de voir son reflet au moment de mourir. On disait que cela piégeait l'âme dans le verre. Les guides en robes d'époques nous expliquent aussi que tous les marbres de la maison sont en fait du bois de cyprès peint. L'illusion est imperceptible.
Seul bémol, ici aussi l’histoire a été écrite par les “vainqueurs”, les esclaves sont moins racontés que le mobilier. Pudeur ou oubli volontaire ?





Retour au coeur de New Orleans.
Au matin (surtout si tu te lèves tôt ), la ville parait sale et parasitée, les camion poubelles et nettoyeurs passent assez tard enlever les dégâts de la veille. Peut-être étais-je tombée sur la mauvaise semaine, quoi qu'il en soit, la nuit venue les rues semblent animées d’une nouvelle vie. La musique joue de toute part et les enseignes déversent leur flots de rabatteurs : cocktail, colliers de perles et prospectus.
Capturer des perles à la volée est symbole de chance et de bonne fortune, en souvenir des monarques et des aristocrates de la cour qui lançaient argent et cadeaux à la foule sur leur passage.
Dans un tout autre registre, si tu as besoin de timbre prévoit à l'avance... Ici la poste n'ouvre que rarement.


Si tu as du temps et envie de prendre la route :
- visite les plantations créoles et néo-classiques
- pars en barque et bateau à moteur découvrir le bayou
- fais un tour à l'ancienne Absinthe House de Jean Lafitte
- découvre les costumes du Mardi Gras au Backstreet Cultural Museum - entrée 10$
- clin d’œil aux grands du Jazz au Musical Legends Park ( sur Bourbon street )
- prends ta voiture direction Avery Island et Baton rouge






Dans les
oreilles
Pierre Kwenders (feat. Jacobus) – Mardi Gras


A découvrir :
- le musée de la mort ( pour les fans d'archives macabres et de Charles Manson, “Careful, It’s very graphic !” ) - entrée 15$
- la boutique voodoo du French Quarter ( il parait que c'est l'ancien salon de coiffure de Marie Laveau )
- le musée du voodoo ( la visite est rapide mais permet de se mettre dans l'ambiance ) - entrée 7$
- faire un tour de bateau à vapeur sur le Mississippi
- chercher les noms des français sur les pierres des l'anciens cimetières



Pour finir ma courte semaine, j'irais pousser la grille du plus vieux cimetière de la ville, St Louis 1st. La visite est gratuite mais un guide est obligatoire pour prévenir de toute dégradation. Caché sous son grand parapluie noir la mienne me raconte l'histoire des stèles d'un pas nonchalant. Ici est en autre enterrée Marie Laveau, la redoutée Reine voodoo ( mais surtout coiffeuse ) ainsi que Nicolas Cage .... de son vivant ( sa tombe ressemble à une pyramide à la Benjamin Gates ^^ ).
Je laisse la Nouvelle Orleans sous ce ciel bleu, un avion pour San Francisco m'attend le lendemain.



